Notaires : une histoire en actes > L'écriture de l'acte authentique > Le faux testament de messire Jean de la Rivière, seigneur de Cheny et capitaine de Sens
C'est un curieux récit effectué devant son confrère Edme Menu, notaire royal à Villeneuve-sur-Yonne, que Me Germain Boulois, lieutenant et notaire au bailliage et châtellenie de Cheny, effectue « pour verité en sa conscience ». Il y a environ deux ans, ayant vaqué « pour affaire de justice » à Beaumont, où il est aussi juge, sa femme vient l'avertir qu'un « nommé Monplaisir », serviteur domestique du sieur de Cheny était venu quérir le notaire « cinq ou six fois » pour se rendre au château de Cheny. Aussitôt alerté, il s'empresse de se transporter « pour éviter la fureur dudit sieur de Cheny ». Encadré par un nommé La Varenne « ayant espee et pistollet » il est mené jusqu'à la chambre d'Antoine de la Rivière, redoutable seigneur, connu pour sa violence. Là, il découvre Me Valerian Bondoux, « aussy notaire audit cheny qui tenait en ses mains un papier ecrit et signé de luy », que le sieur de Cheny « commande audit Boulois de signer aussy comme notaire ». Mais « voulant ledit Boulois en faire lecture pour en connaître le contenu, le Sieur de Cheny s'emporte en ces termes : « Ventre Dieu a quoy vous voulez vous amuser ! Ne connoissez vous pas bien l'escripture et signature de Bondoux ? » et, retournant en son cabinet, « d'où sortant de furie », il le menaça « d'un pistollet qu'il banda » et dit « Est-ce fait ? ». Germain Boulois s'empressa alors de signer l'acte « pour éviter le péril de sa vie » sans savoir « ce qui estoit escript ». Après quoi le seigneur les renvoya. Interrogeant Bondoux pour « luy dire quel acte c'estoit que ledit Sieur de Cheny luy avoir ainsy fait signer », celui-ci lui répondit que c'était un testament « de défunt Monsieur Jean de la Rivière, vivant sieur dudit Cheny père dudit sieur de Cheny ». Alors Boulois « luy replicqua et dist en ces motz : vous scavez bien que défunt monsieur est mort sans faire testament ni parler à personne ! ». Bondoux le savait mais espérait que l'affaire ne s'ébruitât pas.
Sur ces faits « Boulois n'a jamais osé faire la moindre déclaration pour la crainte qu'il a toujours eu et a encore de présent dudit sieur de Cheny, à cause des grandes violences, voies de fait et autres maux qu'il a et ses suppotz commis et perpetrez sur ceux qu'il pouvoit luy avoir fait ou pouvoir faire desplaisir. » Hanté par le remord d'avoir cédé à la pression du seigneur et d'en être « accusé de crime de faux », Germain Boulois tente de se préserver ainsi des foudres de la justice en dénonçant cette falsification forcée.