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Des actes notariés témoins de l'histoire

Sommaire de l'exposition

Attaque à jets de pierres sur la grande place Saint-Etienne d’Auxerre 11 octobre 1640
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Présentation du contenu :

Voici une affaire singulière qui traduit probablement un conflit interne au clergé d’Auxerre, en cette journée d’automne 1640. Le 11 octobre de cette année, le serviteur de l’agent des affaires de l’évêque d’Auxerre, un jeune homme nommé Antoine Lauvergnat, accompagnant une modeste lingère, est venu se plaindre d’une attaque à jet de pierres survenue sur la grande place Saint Etienne, par cinq ou six personnes vêtues de noir, les vêtements étant identifiés comme des soutanes.

 

Celui-ci ajoute quelques détails sans nommer les assaillants. Il a dû son salut à un refuge de circonstance dans le palais épiscopal. Secouru par la puissance de l’évêque, le jeune homme porte plainte et le notaire royal Jean Torinon se transforme alors en greffier de la justice du Portail Neuf de l’évêché, pour transcrire deux témoignages de domestiques lesquels corroborent les faits.

 

L’acte intervient dans le cadre de la préparation d’un monitoire, lu en chaire d’église pour rassembler des témoins. Ce type d’acte, sans être fréquent, se trouve inclus dans bon nombre de minutes notariées du XVIIe siècle. Il permet à l’historien de confronter des faits singuliers à des contextes plus généraux. On peut supposer ici des chicanes avec le receveur de l’évêché sur des biens temporels contestés par de jeunes prébendés.

 

Cejourd’hui, unzième jour du mois d’octobre mille VI C quarante, par devant nous André Dupuis, licencié en loix, avocat en parlement, Bailly du Portail Neuf de l’évesché d’Auxerre, est comparu Anthoine Lauvergnat, serviteur de Charles Demaschères, écuyer, Sieur de Saint Sulpy, agent des affaires de Monseigneur, demeurant en son palais épiscopal, lequel nous a fait plainte de ce que ce jourd’hui, environ les neuf à dix heures du soir, conduisant avec un fallot, Nicole Fournery, lingère, demeurant en ceste ville d’Auxerre par le commandement dudit Sieur de Saint Sulpy, qu’ilz avoient esté attaqués en la grande place Saint Etienne et poursuivis à coups de pierres jusques au devant de la maison de Me Pascal Bargedé par quelques personnes jusques au nombre de cinq ou six, vestus de noir, quelques uns desquels avoient des soustanes quelque temps après, lui complaignant retournant de la conduitte de la dite Fournery, il avoit faict rencontre des mesmes personnes qui sembloient l’épier pour le blesser et offencer, luy ayant à cet effet si tost qu’ils l’eurent apperceu, rué plusieurs pierres, desquelles il aurait rompu et crevé son falot de part en part.

Ce qui lui auroit donné subject de leur dire qu’ils se mesprenoient et qu’il appartenoit audit Sieur de Saint Sulpy, croiant par ce moien les inthimider et faire cesser, mais bien au contraire en riant et se moquant, ilz auroient redoublé le jet de leurs pierres, le poursuivant avec icelles, jusques au devant dudit palais épiscopal où s’estant écrié « au secours », il se seroit retiré.

Au moien de quoy et pour avoir preuve des faictz contenus en sa dite plainte qu’il a affirmé estre véritable, nous lui avons ce requérant promis d’informer à l’adjonction du procureur général de Monseigneur obtenir lettres monitoires si besoing faict et pour en informer. nous a présentement produit tesmoings, sommairement adjournez par Martin Sergent suivant nos ordonnances, ainsi qu’il nous a verballement rapporté les noms et despositions desquelz nous avons faict mettre et rédiger par Me Jean Torinon, greffier, par nous pris d’office pour l’absence de Me François Leroy, greffier ordinaire en cette justice et ledit Lauvergnat et a déclaré ne savoir signer, de ce enquis.

Information faicte par nous, juge susdict à la requeste de Anthoine Lauvergnat, le procureur de Monseigneur avec luy joinct pour raison des faictz mentionnez en la plainte cy dessus.

A dict et deposé après le serment par elle pris en tel cas requis accoustumé, que le jour d’hier, environ les neuf à dix heures du soir, revenant du palais épiscopal de ce lieu, assistée de Anthoine Lauvergnat, qui conduisoit un fallot, ilz auroient rencontré dans la grande place de l’église de Saint Estienne, de quelques personnes vestues de longs habitz qui leur auroient rué plusieurs pierres, s’esforçant de les en frapper, et d’esteindre la chandelle qui estoit dans ledit fallot, ce que craignant elle s’en seroit fuyé, qui est tout ce qu’elle a dict scavoir n’estre parente ny alliée dudict Lauvergnat, déclarant ne scavoir signer, de ce interpellée.Anthoine Moret, serviteur de Noble Scientificque Personne Me Edme Amyot, docteur en la faculté de théologie de Paris, doien de l’église Saint Estienne d’Auxerre et grand vicaire de Monseigneur l’Illustrissime Révérendissime Evesque dudit Aucerre, aagé de quatorze ans ou environ, tesmoing à nous produict interrogé comme le préceddant, a dict depposé après le serment de luy pris en tel cas requis accoustumé, que le jour d’hier, environ les neuf à dix heures du soir, retournant de la maison de Noble Homme Jehan Divoigne, lieutenant en l’eslection d’Auxerre où il avoit esté envoyé porter quelques lectres par ledit Sieur Amyot, il avoit ouy bruit auprès de la maison de Me Pascal Bargédé, quantité de pierres qui estoient ruées par quelques personnes qu’il n’a pu recougnoistre, et qui l’eust empescher de passer oudit n’eust estre que voudra, Discrette Personne Me Pierre Pillet, retournant de la ville l’auroit conduict avec luy, et quelque temps après, estant commandé par ledit Sieur Amyot, son maistre, d’aller en la maison du Sire Pierre Dappoigny, avec Jacquette, sa servante, ilz furent derechef rencontrés des meschantes personnes dans la grande place de l’église Saint Estienne qui leur ruèrent quatre ou cinq pierres, desquelles néanmoings ilz ne furent attaintz ny frappez, qui est tout ce qu’il a dict scavoir n’estre parent ny allyé dudit Lauvergnat, a signé. Anthoine Moret.

 

Document présenté par Mélissa GUYOT, Chloé CRAPOULET et Thibautl THOUVENOT, étudiants en 1ère année de BTS Notariat (année 2015-2016).

 

Arch. dép. Yonne, 3 E 14/220